Dans l'antiquité.

Les Allobroges
Nos ancêtres sont-ils Gaulois ? En partie probablement. Nous proviendrions majoritairement d'un amalgame entre Allobroges et Burgondes. Avant l'invasion romaine, notre région était occupée par une peuplade gauloise, les Allobroges (eux-mêmes ayant chassé les Ligures). Au nord, en Tarentaise, se trouvaient les Ceutrons et, au sud (Drôme actuelle et Vercors), les Voconces. L'historien romain Tite-Live parle ainsi des Allobroges : aucune tribu gauloise ne les valait en richesse et en renommée....

Hannibal
Hannibal est-il passé par le Grésivaudan pour aller attaquer les Romains avec ses éléphants en -218 ? C'est très probable. Cette expédition a été racontée à l'origine par deux auteurs : Polybe (en grec) environ 80 ans plus tard (il a suivi l'itinéraire, interrogé des témoins, donné les distances parcourues, mais aucun nom de lieu) et Tite-Live (en latin), 200 ans après les faits, avec quelques noms de lieux mais des erreurs évidentes. De surcroît, les copies qui nous sont parvenues ne sont pas identiques, et encore moins leurs traductions.

Après une difficile traversée du Rhône aux alentours d'Avignon, Hannibal, se sachant poursuivi par les Romains, abandonne la voie de la Durance, tourne à gauche, traverse le pays des Tricastins et, en 4 jours, parvient en territoire allobroge, à l'Isle, décrite comme un delta formé du Rhône, d'un affluent et de montagnes. Il n'est pas écrit que son armée traverse ici une rivière ; il conclut une alliance avec le roi des Allobroges, ennemi des Romains et qui lui fournira une escorte de cavaliers. Polybe écrit qu'Hannibal longe ensuite le fleuve sur 800 stades (140 km), ce qui l'amènerait vers Pontcharra s'il s'agit de l'Isère et si l'Isle est le Valentinois. Tite-Live ajoute qu'il suit le bord extrême du territoire des Voconces (le Vercors) et qu'ensuite il traverse à gué le fleuve Druantia sans trop de difficultés. Ce Druantia est qualifié de torrent non navigable, instable, parsemé de bancs de graviers. Il est en territoire tricori (nord de Grenoble et Trièves). Il s'agit certainement du Drac, non canalisé à l'époque et traversé par Hannibal à peu de distance de l'actuelle Grenoble.
A Pontcharra (ou à Goncelin), il est fort possible que cette lourde armée n'ait pas pu continuer à longer le fleuve car, à cette époque, l'Isère passait tout près de la montagne et, de toutes façons, ses abords étaient trop marécageux pour ce lourd convoi. Il pénètre alors en montagne et son escorte allobroge se retire, mission accomplie.

Hannibal a dû alors entrer dans les gorges du Bréda ou dans la cluse Morêtel-Allevard ; il se fait attaquer ici dans un défilé par d'autres Allobroges. Après les avoir vaincus, il met à sac leur ville (Allevard, la Rochette ?), dont il tire des provisions pour 3 jours. Après la vallée des Huiles, il a dû emprunter la Maurienne et, malgré une nouvelle embuscade de la part d'autres Celtes, il atteint le col en 9 jours. Repos de 2 jours au col, mais la neige arrive et lui rend la descente très difficile, ses troupes n'y étant pas habituées, encore moins ses éléphants ; de surcroît, il n'y a plus de pâturages pour ses nombreux animaux (il est certain qu'il ne s'attendait pas à la neige ; or on était probablement en novembre). On discute encore sur le nom du col emprunté parce qu'en cet endroit, Hannibal aurait montré à ses soldats les plaines d'Italie. Or on ne les voit pas depuis le Mont-Cenis, mais, durant les jours de repos, l'armée a pu gagner un sommet proche ménageant ce point de vue. On voit aussi la plaine depuis les cols voisins (Clapier, Savine-Coche), possibles candidats.

Hannibal parvient dans la plaine du Pô, probablement très au nord, puisque le premier combat contre les Romains aura lieu au bord du Tessin. Entre temps, il fait reposer son armée fatiguée au milieu d'une peuplade acquise à sa cause et ennemie de Rome. Il prend ensuite une ville récalcitrante, la capitale des Turini, que les exégètes identifient comme Turin (bien qu'elle ait été fondée beaucoup plus tard par Auguste).

Il faut remarquer que de très nombreux ouvrages ont été consacrés à l'expédition d'Hannibal, le faisant passer un peu n'importe où, au mépris des textes ou des impératifs stratégiques. Certains lui font franchir les Alpes plus au nord (Petit-Saint-Bernard), ce qui est conforme aux alliances conclues, mais ne s'accorde pas avec le nombre de jours de marche ; d'autres le font passer plus au sud, voie qui aurait exposé Hannibal aux Romains, l'aurait fait aboutir en territoire ennemi et n'est pas conforme à l'axe de sa progression. D'autres enfin lui font traverser l'Isère deux fois, ce qui est tout à fait contraire aux récits et inconcevable stratégiquement. Si Hannibal a bien remonté l'Isère en rive gauche, nos prédécesseurs ont pu voir passer cette armée étonnante, avec ses 37 éléphants, plus de 20 000 hommes et près de 10 000 bêtes, colonne étalée sur plus de 30 kilomètres, cheminant à raison de 18 km/jour. Ça valait le déplacement !

La conquête romaine
Les Allobroges ont résisté avec ténacité à l'infiltration romaine. Vers l'an -210, alliés aux Arvernes, ils attaquent les Romains en Provence, mais sont battus à Bollène. Rome poursuit petit à petit sa colonisation de la Gaule.

En 62-61 AC, les Allobroges se révoltent encore sous le commandement de Catugnat, prennent Valence, attaquent la Provence et battent le légat romain Lentinus. Une armée de secours venue d'Italie ravage la terre des Allobroges et s'empare de Solonium, leur forteresse (était-ce Vienne ?). Catugnat rebrousse chemin pour défendre les siens, mais il est vaincu sous les murs de Solonium.

Les Allobroges n'étaient pas des gens faciles à soumettre. César, avec de puissants moyens (et des méthodes barbares), conquiert définitivement la Gaule entre -58 et -50. Le gouverneur des Gaules Lutius Munatius Plancus fonde Lyon en -43. En avril de la même année, marchant contre Antoine (qui vient d'assassiner César et se réfugie en Gaule), Plancus vient à Cularo, bourgade allobroge au bord de l'Isère. En mai, il y jette un pont – probablement de bateaux – sur l'Isère et entre en territoire voconce, mais il doit détruire ce pont en juin pour protéger sa retraite. Avant de devenir Grenoble, Cularo sera élevée au rang de cité et appelée Gratianopolis, ville de [l'empereur] Gratien, vers l'an 380 de notre ère.

On en sait un peu plus sur Munatius Plancus, ami de Cicéron (c'est dans une lettre à cet orateur qu'est mentionné pour la première fois de l'Histoire le nom de Cularo) et, plus tard, ami du poète Horace, qui lui dédiera une ode :
Crois-moi, mets ta sagesse, Plancus, à oublier la tristesse et les peines de la vie dans la douceur d'un vin sans mélange...

A-t-il goûté au vin de nos coteaux ? C'est bien possible ! Ce Munatius était un ex-lieutenant du cruel César ; mais, devenu lui-même gouverneur des Gaules, il se montra généreux et plein d'égards pour les autochtones. On dit qu'il n'était pas très zélé, aimait temporiser et savait se débrouiller pour servir sous tous les régimes. Heureux homme ! Est-ce le surnom de Plancus qui a donné planqué ?

La pax romana et l'arrivée des Burgondes
Les Romains construisent beaucoup dans les pays conquis : monuments, aqueducs, routes dites voies romaines... Il est possible que notre chemin principal, la route de Meylan, soit l'une de ces anciennes voies romaines. Les anciens Biviérois n'y croient pas. En effet, en 1866, il n'y avait pas de chemin de communication entre Biviers et Saint-Ismier et il a fallu en ouvrir un. Parmi les trois propositions des services compétents (voyers), aucune ne mentionne une antériorité romaine. Le Conseil de Biviers (DM, 19 août 1866) opte pour le chemin actuel, le moins onéreux. Cette référence historique ne serait pas complète si on ne citait pas les mentions chemin tendant de Meylan à Saint-Ismier relevées plusieurs fois dans les registres antérieurs, par exemple en 1829. Il est même appelé parfois chemin royal au 17e siècle. On peut penser que ledit chemin se dirigeait vers St-Ismier en suivant la courbe de niveau sans relier les bourgs et que, s'il avait été voie romaine, il n'aurait jamais été abandonné, quand on connaît le caractère sacré des chemins tant sous la féodalité que sous les républiques. Enfin, autre argument à verser au dossier : les voies romaines ne recherchaient pas les lignes de niveau et préféraient des tracés rectilignes, même pentus, loin des vallées.

Sous la colonisation de Rome, de grandes fermes gallo-romaines, les villas, exploitent la terre. Il en existait probablement une à Meylan, à l'endroit du Clos des Capucins. En témoignent encore les noms du chemin de la Ville et de celui des Villaux (anciennement des Villards). Cette villa disposait probablement de 350 ha et donc débordait largement sur Biviers. De 50 à 150 hommes travaillaient plus ou moins librement pour cet établissement.

Période étonnante que cette paix romaine sur la Gaule qui a duré presque 500 ans sans guerre majeure ! Un événement va cependant bouleverser notre région, l'invasion ou la migration des Burgondes en Sapaudia.

Les Burgondes sont des barbares originaires sans doute de Pologne ou de Scandinavie. Ils s'affrontent aux Alamans qui, eux, combattent les Romains sur leurs frontières (les limes). Les ennemis de nos ennemis étant nos amis, les Burgondes deviennent alliés des Romains et même se christianisent (plus tard ils adopteront l'hérésie arienne). Aidés par Rome, ils s'installent progressivement sur les deux rives du Rhin après 410. Voici ce qu'en dit l'historien Orose en 417 : ils vivent avec douceur et tranquillité, regardant les Gaulois non comme des sujets, mais comme des frères.

En 436, les Huns déferlent sur l'Europe et massacrent l'armée burgonde du roi Guntiar (ce drame donnera naissance à la légende germanique des Nibelungen). En 443, le général romain Aetius propose aux Burgondes rescapés de les transférer en Sabaudia, le pays des sapins, la Savoie, le Jura ou les Alpes du Nord... Genève est leur première capitale ; ils se coalisent en 451 avec Aetius et les Francs pour battre les Huns aux Champs Catalauniques.

En 457, un deuxième transfert a lieu et des Burgondes occupent le Dauphiné (Bourgoin leur doit sans doute son nom). Bien que chevelus, blonds avec des yeux bleus, il semblent qu'ils cohabitent sans heurt avec les aborigènes (les Allobroges) devenus gallo-romains, dans un territoire sous-peuplé, fertile et bien administré.


Pour plus d'informations, se reporter à :
La traversée des Alpes par Hannibal,
  F. de Coninck, éd. Ediculture, Montélimar, 1992 (Internet armine.online.fr ).
A la recherche des cols alpins franchis par Hannibal en 218 av. J.-C. et par Hasdrubal au printemps 206, F. de Coninck, éd. d'auteur.
Nouveaux regards sur la traversée des Alpes par Hannibal en 218 av. J.C., Jacques Debelmas, Bull. Acad. Delph. 1998, 6, p. 109.
Hannibal en Gaule, nouvelle hypothèse grâce à des découvertes géographiques et archéologiques, JG de Galbert, éd.de Belledonne, Grenoble, 2005.
Nos ancêtres les Burgondes, Marc Plessier, Bull. Acad. Delph. 1999, 3, p. 57.
Le Graisivaudan, typonymie et peuplement d'une vallée des Alpes, J. Bruno, Grenoble, 1977.
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