17e et 18e siècles
Encore la peste
Une nouvelle épidémie de peste sévit dans la région de 1628 à 1630. Sans doute, la dernière.
Abel Servien
Né en 1593 au château de Serviantin, il est d'abord procureur au parlement de Grenoble. En 1617, délégué à l'assemblée des Notables convoquée par Louis XIII à Rouen, il s'y fait remarquer par le roi et par Richelieu. Dès l'arrivée de ce dernier au pouvoir (1624), il fait carrière dans son sillage et sera un auxiliaire précieux de la diplomatie du cardinal, tout d'abord en Italie en 1629-31 (traités de Cherasco), où il fait la connaissance de Mazarin. Secrétaire d'état à la guerre en 1630, il tombe en disgrâce en 1636, mais revient au pouvoir avec Mazarin en 1642, sous Louis XIV. Ministre plénipotentiaire en 1643 au congrès de Münster (durée 5 ans !), il est sans doute le principal artisan du traité de Westphalie, qui réduira l'importance de l'Empire romain germanique et régira l'Europe pendant deux siècles. Marquis de Sablé et de Boisdauphin, il sera également membre de l'Académie Française dès sa fondation (1634) ; il meurt à Meudon en 1659.
Serviantin, ou château de Biviers.
Il comporte deux corps en équerre. L'un, face à Belledonne, encadré de deux tours rondes, date des 15e-16e siècles ; ses fenêtres ont perdu leurs meneaux au 18e. L'autre, orienté à l'est, se termine au nord par une importante tour carrée plus ancienne. Sans doute construit avant 1500, il appartient d'abord aux Morard d'Arces (sur l'une des portes d'entrée figure un écusson à leurs armes), puis aux Servien après le mariage de Catherine d'Arces avec Jean Servien en 1500. Abel Servien y naît en 1593 ; criblé de dettes, il le vend en 1655 à Antoine de Reynold, capitaine des gardes suisses, dont un descendant le vend à son tour en 1739. L'histoire du château devient alors un peu confuse avec plusieurs occupants se partageant le domaine.
Il semble que la famille Gournier rachète le tout avant la Révolution. Jean-Jacques Ruinat-Gournier, maire de Biviers en 1828, en est propriétaire à cette époque. Puis, un industriel,
Alphonse Rallet l'achète en 1855 et le restaure ; Marthe Blanchet, sa petite fille, épouse de Paul Jordan, en hérite ensuite, puis les Jacquemont, ses petits-enfants
(liste des possesseurs de Serviantin). Le château a très probablement reçu des hôtes prestigieux, comme
Richelieu (on parle de
la chambre du Cardinal) et peut-être Louis XIII, tous deux étant accompagnés par Servien lors de leur
excursion militaire en Italie en 1629.
Franquières
Château construit par les Aymon de 1601 à 1610 à la place d'une ancienne maison forte. Il comporte un important corps central rectangulaire avec deux ailes en saillie, deux étages et des combles mansardées. A l'entrée nord, un perron ovale de 6 marches, puis une superbe porte Louis XIII à bossage et linteau armorié. En façade sud, long balcon, style italien, soutenu par des arcades. A l'intérieur, escalier monumental (un des plus beaux de la région) d'inspiration Renaissance : cage carrée, 4 piliers barlongs, rampes de pierre à balustres posées sur des arcs en anse de panier. Au premier, grand salon avec plafond à la française et boiseries du 18e.
| Dans l'ancien salon des glaces, on peut voir les portraits des premiers propriétaires. Il y eut d'abord quatre générations d'Aymon de Franquières. Sous la Révolution, le château appartient à Laurent-Aymon, savant, bienfaiteur de l'humanité qui, élu premier maire révolutionnaire de Grenoble en février 1790, laissa sa place à Barral, se sachant malade. A sa mort, la même année, le château passe à la citoyenne Franquières (Anne-Marie , sa soeur probablement), puis la famille parente des Mac-Carthy (1809, qui le font restaurer en 1836). Au milieu du 19e, il est propriété de la baronne de Vignet en 1852 (le maire Massu mariera deux filles de la baronne [DM 8 jul 1860]), puis de Charles de Vignet qui le vend en 1880 à Félix du Bourg. Louis du Bourg, lieutenant de dragons, le possède en 1900. Il est vendu en 1924 aux Forest-Colcombet. Racheté enfin en 1959 par l'OVE (oeuvre des villages d'enfants). Un tableau pdf résume la suite des possesseurs de Franquières.
On trouvera des détails sur la vie des Franquières dans un livre dont un chapitre figure à l'adresse
Pierre.Blanc38.free.fr/patri/frq/franq7 .
Un voisin illustre, Jean-Jacques Rousseau
L'illustre écrivain philosophe est venu en 1768 herboriser en Dauphiné (il avait 65 ans). Il a résidé alors à Grenoble, dans la rue qui porte maintenant son nom (il a été reçu avec honneur par les Grenoblois conduits par le grand-père de Stendhal). On mentionne son activité herborisante en Chartreuse, au Sappey, au Rabot, à Fontaine, à Seyssins (la Tour-Sans-Venin, le bois des Vouillands). Connaissait-il l'existence d'un microclimat sur l'adret du Saint-Eynard ? Il aurait pu être alors tenté par l'exploration de sa flore. On sait, par l'avocat Bovier, qu'il est venu à Biviers, au moins pour y voir une maison, parce qu'il cherchait à se fixer dans la région. Il était également en relation avec Laurent de Franquières (plusieurs lettres dont la célèbre Lettre à monsieur de Franquières). Il est très probable qu'il ait alors rendu visite à Laurent.
Les propriétaires biviérois
Sur une surface cadastrée de 617 ha, 300 au plus sont exploitables. En 1634, le territoire est divisé en 400 parcelles environ partagées entre 150 propriétaires. La terre est donc très morcelée. Peu de propriétés dépassent 50 sétérées (19 ha) et elles ne sont pas d'un seul tenant. Les plus gros propriétaires sont nobles, ecclésiastiques ou gens de robe (les nobles d'épée étaient exemptés de l'impôt foncier, la taille) et figurent dans un registre distinct. Ce sont :
- les Chartreux (dits de de Saint-Hugon ? : 10 st le long du Gamont, plus 56 st, taillables, aux Chevalières)
- Bouvier-Raynauld (53 st ; il est procureur et habite le mas de l'Essart, l'actuel St-Hugues)
- le comte de Franquières (52 st, exempté de taille)
- messire Abel de Servien (47 st, exempté de taille)
- Mme de Champsaur (46,5 st ; elle habite au mas des Plantées, juste au-dessus de l'église)
- Claude de Simiane (45 st ; Montbives)
- le président du Faure (24 st ; habite le Bontoux)
- le conseiller de Manissy (15 st ; habite au mas de la Javelle une maison sur 4,5 ha : Puy-Guiguet ou ancienne mairie ?)
- le curé de Biviers (14 st ; cure et terrain sous la cure jusqu'à Puy-Guiguet)
- le duc (?) de Chaulnes (10 st aux Mandards ; n'habite pas Biviers)
- Mme de Moydieu (9 st ; habite probablement vers l'actuel lotissement des Noisetiers)
- sieur Ennemond et Marie Bouvier (8,5 st ; habitent sans doute Crêt-Châtel)
- de Cornu (6 st ; habite à Plate-Rousset une maison sur 0,2 ha)
- l'hôpital de Montbonnot (3,5 st, près de Montbonnot).
Rappelons que la sétérée (st) vaut 0,377 ha. A eux seuls, ces 14 propriétaires possèdent 400 st, soit la moitié des 300 hectares que compte la commune, et ce sont de loin les meilleures terres. On sait par ailleurs que la moitié des bonnes terres de Saint-Martin-de-Miséré appartiennent à des Biviérois : il s'agit sans doute des mêmes. Les quelque 130 propriétaires restant vont donc se partager le résidu, soit 150 ha. Ils devront en moyenne se contenter d'à peine plus d'un hectare par famille.
Les parcelles les plus taxées, donc les plus riches, sont les hautains, terres où la vigne pousse en symbiose avec un arbre (un érable, semble-t-il) en s'enroulant autour. Ces arbres sont plantés tous les 5 mètres en rangées régulières et on cultive la terre entre les rangs. La catégorie suivante est appelée vigne, cultivée en rangées sur piquets. Puis on trouve la terre à céréales, le pré, le paquerage, les varrages, parfois les teppes (broussailles en éboulis ?) ...
(Suite logique : les revenus des Biviérois au 19e siècle. Les mutations intervenues avant 1790 n'ont pas modifié les données du problème).
Pour plus d'informations :
Châteaux de l'Isère, Paul Hamon, éd. Arts et tourisme, Paris.
Franquières, essai histoirique sur le château et ses occupants, Pierre Blanc, 2006, autoédité.
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