La bâtie Champrond

La Bâtie-Champrond concerne sans doute moins Biviers que les deux autres maisons fortes voisines, la Bâtie de Meylan et celle de Saint-Ismier. Elle a pourtant appartenu à d'illustres familles de la région liées à celle de Bayard.

De plus, elle est la seule à rester encore debout. Sa visite est même émouvante. Perdue au milieu de constructions modernes qui l'écrasent, elle semble défier les auteurs de ces outrages comme elle a défié le temps. On peut cependant craindre que les bâtiments accolés ne l'entraînent bientôt dans leur ruine. Peut-être sommes-nous l'une des dernières générations à contempler cette tour en briques, sans doute le plus ancien monument de la région. On y verra l'exemple d'une ferme, cour fermée de tous côtés par des bâtiments, agricoles ou résidentiels.

Cette maison forte est située sur le territoire de St-Ismier, en bordure de Saint Nazaire les Eymes et à 300 m de l'Isère, à la sortie Villard-Bonnot sur l'A41. De vastes terres agricoles (actuellement encore 90 ha) faisaient partie de son domaine et lui assuraient des revenus. Ces terrains, ainsi que son site, étaient certainement inondables, comme à St Martin de Miséré. Outre les revenus des terres, elle jouissait du droit de péage fluvial : en contrepartie d'une certaine obligation de sécurité envers les bateliers, le seigneur faisait payer une taxe à chaque bateau passant au droit de Champrond ; il en allait de même d'ailleurs à Montbonnot. La succession de ces péages mécontentaient les bateliers (on les comprend). Certains bateliers en étaient dispensés, s'ils vivaient dans des villes franches. Tout cela explique que ce droit de rançon sur les bateaux (en franglais, on dirait racket) a été tantôt aboli, tantôt confirmé, selon les pressions exercées par les uns ou les autres sur l'autorité du moment (Dauphin, parlement).

Initialement (à peu près en 1240), le domaine et ses privilèges ont appartenu à la famille Alleman, de haute noblesse et dont sera issue la mère de Bayard. En 1305, Champrond est cédée aux Avallon, qui possèdent déjà la Bâtie de Meylan. C'est peut-être depuis cette époque qu'on appelle ces maisons fortes Bâtie d'en bas et Bâtie d'en haut. Elle restera 57 ou 58 ans dans cette famille jusqu'à ce qu'une chute en quenouille (absence d'héritier mâle) la transmette aux Commiers. Les Commiers étaient également de grands personnages du Dauphiné. On y recense des prieurs, des baillis (sous-préfets ?) et même un lieutenant général, Raoul de Commiers. Ce dernier, se croyant sans doute au-dessus des lois, dirige en 1460 une expédition punitive armée contre un grenoblois nommé Bompard. Le Parlement l'assigne en justice, mais il le défie ... Louis XI, alors roi de France, s'en émeut et nomme un médiateur, Guy Pape, qui, ménageant la chèvre et le chou, ne condamne Raoul qu'à une amende. Ce dernier ne la paie même pas, si bien que le roi se fâche, le fait peut-être emprisonner, en tout cas confisque ses biens en 1470 et donne la Bâtie d'en bas aux Sassenage, dont Louis XI gardait un excellent souvenir.

La transmission directe des héritages par les femmes (contrairement à ce qui se passait chez les Arces) amène la Bâtie dans le giron des Bourchenu. Le deuxième et dernier Bourchenu à en être titulaire, Gaspard (il habitait Domène) se fera enterrer en 1621 avec Bayard, qu'il appelle son cousin (il descend en effet des Alleman par les femmes). Sans enfants, il laisse le domaine et son titre à un petit-neveu, Pierre Moret, qui devient Moret de Bourchenu. Son fils en hérite, mais, homme d'église, il vend en 1714 la Bâtie aux Pères de la Charité, dont les biens sont transférés à l'hôpital, puis au CHU de Grenoble, qui en est toujours propriétaire.

Cf. Propriétaires de Champrond , tableau pdf ).

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