Moyen-âge (6e-14e siècle)

La vigne
On mentionne déjà la présence de la vigne, importée par les romains, sur l'adret du Saint-Eynard à l'époque gallo-romaine. Cette culture s'est encore développée sous la pression des Chartreux. Dans les derniers siècles, la vigne occupait 250 ha sur les 300 cultivables que compte Biviers. La production de la région alimentait en particulier Grenoble, sa nombreuse garnison et les foires de Montbonnot, mais aussi la Chartreuse par le sentier de la Faîta.

La Burgondie
Le premier roi des Burgondes transplantés, Gundioc, profite de l'affaiblissement de la puissance romaine pour étendre son domaine jusqu'à la Drôme, Lyon, Autun et peut-être Dijon et Besançon.
Son fils Gondebaud, contemporain de Clovis, règne sur les Burgondes de 480 à 516. En même temps, il est le second personnage de l'empire romain décadent. Mais son frère Godegisel lui conteste l'héritage et la succession de leur père. Il s'allie à Clovis ; ensemble, ils attaquent les Burgondes en 500. Gondebaud, battu à Autun, reconstitue son armée en Avignon, bat les coalisés et tue son frère ... Il devient alors le roi incontesté de la Burgondie, qu'il étendra jusqu'à Constance en Suisse. Il organise son royaume et légifère : sa lex gondabala ou loi Gombette sera notre code civil de l'époque, complétant celui de Rome.

Son fils Sigismond lui succède. Il renonce à l'arianisme et se convertit au catholicisme romain. Pour plaire à sa deuxième femme, il tue son propre fils, ce qui provoque une guerre civile, attisée par le roi des Francs Clodomir (et sa mère Clotilde). En 523, les coalisés battent Sigismond et le tuent, ainsi que sa femme et ses fils ... Triste époque ! Il est vrai que 50 ans après vont régner en France Frédégonde et Brunehaut ! Sigismond fut considéré dès lors comme un martyr, inhumé au monastère de Saint-Maurice d'Agaume dans le Valais (lequel deviendra le Saint-Denis des Burgondes) ; premier roi proclamé saint, il sera honoré dans toute l'Europe germanique et même en Pologne, en Bohême ...

Son frère, Godomar, prend aussitôt la couronne de Burgondie et bat les Francs à Vézeronce (Isère) en 524. Le roi des Francs Clodomir est tué (ses fils sont assassinés par leurs oncles) mais notre Burgondie retrouve la paix pour 10 ans. En 534, nouvelle coalition des fils de Clovis qui écrasent l'armée burgonde à Autun et annexent la Burgondie. Ce royaume aura duré 90 ans. Mais il sera reconstitué plus tard (ci-dessus, casque franc trouvé à Vézeronce).

Le royaume de Boson
Gontran, petit-fils de Clovis, reçoit en partage (561) l'ex-Burgondie et fixe sa capitale à Châlon. L'esprit burgonde n'a pas disparu en 27 ans ! La France actuelle est partagée alors en 4 ou 5 royaumes. Les Arabes pénètrent dans le pays. Il semble qu'en Provence et en Burgondie, cette pénétration n'ait pas toujours été violente. Charles Martel, après avoir défait les Arabes à Poitiers (732) veut les chasser de Burgondie et en profite pour reconquérir ce royaume. La Burgondie est à nouveau annexée.

En 879, après Charlemagne et le partage de son empire par le traité de Verdun, Boson, grand seigneur franc, beau-frère du défunt roi Charles le Chauve, réunit une assemblée de notables burgondes près de Vienne et se fait proclamer roi de Burgondie. Il est aussitôt attaqué et battu par le nouveau roi carolingien Carloman, perd sa capitale Vienne, mais garde la Provence.

Le royaume de Bourgogne
Neuf ans plus tard, en 888, Rodolphe, duc de Bourgogne, va réunir une assemblée de notables à St-Maurice-d'Agaune et se faire proclamer roi de Bourgogne (c'est l'ex-Burgondie, moins le Dauphiné et la Provence qui seront annexés plus tard). Le roi franc ne réagit pas. Le petit-fils de Rodolphe, Conrad, roi trop jeune, se laisse circonvenir par l'empereur germanique Otton et lui fait allégeance. En l'an 1032, la Bourgogne est sans héritier ; l'empereur invoque cette allégeance et s'empare du royaume ; le Viennois s'en détache alors tout en restant terre d'Empire, mais avec des liens très lâches. Epoque confuse ... L'archevêque de Vienne en 1038 partage son fief en deux comtés : au nord, celui de Maurienne deviendra le duché de Savoie et, au sud, celui d'Albon deviendra le Dauphiné.

Le Dauphiné, principauté autonome
Les Guigues, ayant reçu le Sud-Viennois, résident d'abord dans leur château d'Albon, puis dans celui de Beauvoir-en-Royans (il en subsiste des ruines). Ils prennent le nom de Dauphin en 1133 et appellent leur domaine Dauphiné. L'avant-dernier Dauphin, Guigues VII, gaspille les fonds du domaine et meurt à 24 ans près de la Placette en combattant le duc de Savoie. Son frère Humbert II lui succède à 21 ans. Tout aussi prodigue, non préparé à sa fonction, il vit dans les fêtes et le luxe, il prend même la tête d'une croisade mal organisée ... Son unique fils était mort en 1335 à Beauvoir (tombé d'une fenêtre) ; sa femme succombe à la peste au cours de la croisade en 1346 ; il rapporte d'ailleurs probablement cette même peste au retour de la croisade (1347). Le 16 juillet 1349, découragé et ruiné, il vend (on a dit : il transporte !) le Dauphiné au plus offrant, le roi de France, sous la condition que le fils aîné du roi prenne le nom de Dauphin. Le règne des Dauphins aura duré 311 ans.

Les Dauphins firent construire de nombreux châteaux qu'ils albergaient (louaient pour une durée indéterminée) à des notables, souvent d'anciens compagnons d'armes, qui devenaient alors châtelains, premier pas vers la chevalerie et la noblesse. Les Dauphins étaient plutôt itinérants et habitaient tantôt ici, tantôt là. Le château-fort de Montbonnot était l'une de leurs résidences favorites. Généalogie des dauphins (pdf)

Montbonnot et Saint-Martin-de-Miséré
L'histoire de ces deux villages voisins, remontant aux premiers Dauphins, est tellement liée à celle de Biviers qu'on ne peut éviter d'en parler. Biviers fera partie du mandement de Montbonnot jusque vers la Révolution : le châtelain de Montbonnot administrera Biviers, y percevra les taxes, assurera le (basse) justice...

Le village de Saint-Martin-de-Miséré (indépendant autrefois de Montbonnot) et son prieuré, fondé par les moines de Domène en 1070, auront beaucoup d'interaction avec Biviers. En particulier, le service du culte (catholique) à Biviers sera assuré pendant plusieurs siècles par un chanoine de St-Martin. Il y eut de nombreux projets de fusion soit entre St-Martin et Biviers, soit entre les trois communes.

L'ermitage de Faissia
Un ermitage aurait été fondé à Faissia (ou la Faissie) sur la falaise au 12e siècle par saint Eynard, moine contemporain et peut-être même ami de saint Bruno, fondateur de la Grande-Chartreuse. En position risquée, l'ermitage était des plus sommaires, situé à plus de 1100 m d'altitude, juste sous la falaise sommitale du Saint-Eynard, sur une corniche d'à peine 3 mètres de largeur. On peut y voir encore des niches creusées sous la falaise (en surplomb à cet endroit-là) avec de petites murettes séparant sans doute les cellules monastiques. Il subsiste également un escalier taillé dans la roche et menant sans doute vers des dépendances (jardin, chapelle ?). La voie d'accès à ces ruines est celle du Pas-Guiguet. On tient pour certain que la cloche de l'église de Biviers provient de cet ancien monastère. L'histoire de cet ermitage est résumé dans une page spéciale (Faissia).

Montbives
(Autrefois Monbivol, Monbivoz, Monbivon). La tour du château actuel date du 12e siècle (murs de 1,5 m d'épaisseur posés sans fondations sur le roc). La plus ancienne référence connue mentionne en 1339 Guiffrey de Montbivol, seigneur du mandement de Monbonnot. Le château a ensuite appartenu à la famille d'Arces, pendant environ 200 ans, puis aux Simiane de la Coste (1593-1711), membres influents du parlement du Dauphiné et, également, seigneurs de Bayard. Ensuite, les droits féodaux de Montbives passeront par alliance aux Vidaud de la Tour, dont l'avant-dernier sera guillotiné en 1793. Après la Révolution, le château (et les titres !) seront achetés par les Jacquemet et transmis par mariage aux Polinière. En 1929, le soyeux G. Morel-Journel achète le domaine et ses descendants, les Perrin, l'occupent actuellement. (Pour plus de détails, page Montbives ).

Les chartreux
Les chartreux ne disposaient pas, dans leur Désert, d'un climat favorable à l'agriculture. Aussi débordèrent-ils le Saint-Eynard pour coloniser les meilleures terres de Corenc, Meylan, Biviers et Montbonnot.
A Saint-Martin-de Miséré, ils possédaient un vaste et riche domaine agricole, sous le château, à la place occupée actuellement par l'EPA (école des pupilles de l'Air). Ils disposaient de plusieurs paires de boeufs, ce qui était rare dans la région. Un chemin des chartreux, à proximité, rappelle par où les récoltes s'en allaient ...

A Biviers, on dit que la majeure partie du territoire communal leur appartenait et qu'ils cultivaient surtout la vigne ou plutôt la faisaient cultiver. Ils auraient construit près de l'église un prieuré, appelé Prieuré de l'Abyme, dont il subsiste une tour et une fontaine, dite fontaine des chartreux (il est possible que ce prieuré ait été un essaimage de Saint-Martin-de-Miséré ou même tout simplement une Confrérie du St-Esprit et la fontaine un cadeau cartusien). Nous n'avons pas trouvé d'archives datant du Moyen-Age. Dans les documents disponibles (livres terriers), on peut lire que des chartreux possèdent certes des terres à Biviers au 17e siècle et font même partie des plus gros propriétaires. Ces terres sont situées en majeure partie dans le secteur Châtelard-Chevalières-Vières (20 ha environ en 1663 au nom de MM. les RP chartreux de l'obédience de St-Hugon) ainsi que le long du Gamont (petites parcelles de vignes, obédience dite de Meylan). Cela représente au total moins du dixième des terres cultivables. Tous leurs domaines des Chevalières sont vendus par eux en 1672, bien avant la Révolution, et passent ensuite de mains en mains. Quant aux domaines du Gamont, les inventaires des biens nationaux de la Grande Chartreuse en novembre 1790 dénombrent 18 sétérées à Biviers (7 ha) faisant partie d'un domaine de 79 sétérées (30 ha) dit de Meylan. Ceux-là seront saisis et vendus à cette époque.

La catastrophe du lac Saint-Laurent
En 1191, par suite de fortes pluies en Oisans et d'un éboulement barrant le lit de la Romanche, un grand lac (15 km de long) se forme en aval de Bourg-d'Oisans appelé alors Saint-Laurent. Le barrage se rompt le 14 septembre 1219, provoquant une vague déferlante qui balaie tout sur son passage et noie Grenoble, où la moitié de la population périt. L'Isère refluera jusqu'à Montbonnot.
L'année suivante, l'évêque inaugure un pèlerinage expiatoire (toute catastrophe avait à l'époque pour origine les péchés des hommes !) à la colline de Parménie, près de Beaucroissant ; la nécessité de restaurer les pèlerins transformera la manifestation en marché, origine de la célèbre foire actuelle.

L'effondrement du Granier
En novembre 1248, à la suite de fortes pluies, un glissement de terrain emporte un pan du Granier et engloutit plusieurs villages, dont ceux de Murns et de Myans (4000 à 9000 morts, coulée estimée à 500 millions de mètres cubes). Bien que survenue en Savoie, cette catastrophe a certainement dû avoir un grand retentissement dans tout le Grésivaudan, surtout auprès des riverains du Saint-Eynard.

Un hameau ancien
En 1339, il est fait mention de Plate-Rousset, sous le nom de plastrum Rossetti de Biviaco. Ce nom vient-il de plat ou plateau ou bien de plastre (plâtre) ? On dit qu'une plâtrière existait autrefois au Bontoux. Au 17e siècle, le hameau est devenu important ; il s'appelle Plastre Rosset ; le chemin qui le traverse s'appelle alors chemin de la Repentie. Sa dérivation (?) existe très tôt et son appellation du 17e siècle, chemin de Puy Guiguet, variera au cours des âges (Puis, Puit, Puits, Diguet, du Guet...). C'est l'un des très rares chemins à avoir conservé son nom ancien, à l'orthographe près (autre nom ancien : chemin des Evêquaux).

La grande peste
La première grande peste, venant du port de Marseille, sévit en France en 1347-48. Elle aurait peut-être bien été apportée du Proche-Orient par la malheureuse croisade de notre dernier dauphin. Cependant, on en rendit responsables les Juifs, qui à Grenoble sont arrêtés, emprisonnés dans le château de Montbonnot, spoliés et sans doute brûlés (La Fontaine connaissait-il cette histoire ?). 60% de la population du Grésivaudan meurt de la peste (il faudra attendre le 18e siècle pour retrouver la population d'avant ce drame). D'autres épidémies de peste se produiront, comme en 1580 (l'ordre fut alors donné de tuer tous les petits animaux, jusqu'aux porcs compris : La Fontaine, au secours ! ), puis en 1628... Une maladrerie (hôpital pour lépreux et pestiférés) sera construite près du Corbone pour les trois paroisses soeurs (probablement sous l'actuel CES de St-Ismier). A cette époque, Montbonnot est considéré comme beaucoup moins atteint et beaucoup plus sain que Grenoble (moins de brouillards). On sait maintenant que le bacille responsable de la peste (découvert par Yersin en 1898), apporté par la puce du rat noir, peut se propager aussi par la salive et se développe surtout pendant les étés chauds et humides.

Au chapitre des calamités, citons également les famines. Faute d'engrais et de moyens de culture efficaces, les récoltes étaient maigres et juste suffisantes les années normales. De plus, on ne savait pas conserver durablement des aliments (à part les céréales, les féculents séchés - et encore si la vermine ne s'y attaquait pas ! - et le lard fortement salé). Si les conditions météo étaient défavorables, une famine s'en suivait. On en mentionne de particulièrement graves en 1005, 1032-33, 1195, 1224-26, 1315 ainsi qu'en 1588, sous Louis XIV, puis en 1788 (famine qui n'a pas été sans effet dans le déclenchement de la Révolution). La culture de la pomme de terre (après 1815), aliment bien plus facile à conserver, a beaucoup contribué à éloigner ce fléau.

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