20e siècle

L'évolution viticole
Plusieurs crises frappent la viticulture régionale. On relate l'attaque du mildiou en 1850, puis celle du phylloxera en 1884 (DM 17 août). Ensuite, avec déjà une certaine mondialisation, les vins du Midi et ceux d'Algérie concurrencent ceux du Grésivaudan et coûtent beaucoup moins cher. A la Révolution, les édiles demandent la création d'une taxe spéciale sur ces vins. Au 20e siècle, les vignerons du Grésivaudan se groupent en coopératives (il en subsiste certaines : Saint-Ismier, Bernin ...). Mais, après une embellie surtout due à la guerre, la concurrence est trop forte et la vigne perd du terrain. Il n'en subsiste actuellement que 2 ha environ à Biviers.
On avait pourtant utilisé des moyens modernes, par exemple les fusées paragrêles, achetées par la mairie et jugées très efficaces (1905). En 1922, il semble que leur emploi ait entraîné des abus, puisque la mairie en limite l'usage aux cas de nécessité réelle (DM du 5 août).

Les lois sur les congrégations
Les archives sont peu claires sur le sujet. La loi sur les associations de 1901 oblige les congrégations à demander au préfet une autorisation pour enseigner. Le maire doit donner son avis. A Biviers, les dominicaines font cette demande (24 nov 1901) et la mairie donne avis favorable pour le maintien des dames dominicaines installées à Biviers depuis plus de 50 ans et [qui] jouissent de l'estime de tous.... Il n'en va pas de même avec les religieuses de l'école libre (congrégation des Dames de la Croix de Murinais). Elles n'ont pas fait la demande en temps voulu. Le préfet ordonne la fermeture de cette école mi-juillet et demande au maire de porter aux enseignantes l'ordre de fermeture, ce que Louis Sisteron refuse avec insolence. Le préfet le révoque le 5 août 1902, nomme son adjoint Chabert maire provisoire ; mais comme ce dernier refuse de porter l'ordre litigieux, il est lui aussi révoqué.


Le conseil en 1902
(cliquer sur l'image)
Le 12 août, le Conseil municipal, ayant appris qu'une demande allait être faite... donne un avis favorable au maintien de la directrice de l'école libre. Irrégularité dans la procédure ? Rien ne transpire des registres municipaux, mais les archives de la préfecture sont plus loquaces. Le préfet annule le 10 septembre l'autorisation ci-dessus. Le 16 octobre, le conseil renomme Sisteron maire et Chabert adjoint. Le préfet dissout le conseil le 23 et, le 4 décembre 1902, c'est Berthier-Bassinon qui est élu maire (et qui le restera, semble-t-il, jusqu'à sa mort, en 1919). On sait que la situation se durcira avec le ministère Combes en 1903. Les congrégations, même autorisées, ne pourront plus enseigner. Leurs biens seront mis sous séquestre et elles quittent la France. Dans la région, les chartreux s'exilent en Italie (29 avril 1903, retour en 1940). A Biviers, les dominicaines se sont-elles maintenues ? S'occupaient-elles d'enseignement ? Sinon, pourquoi auraient-elles demandé l'autorisation en 1901 ? Les registres municipaux ne répondent pas à ces questions, mais on sait par ailleurs qu'elles n'enseignaient pas, qu'elles étaient encore à Biviers en 1910 et qu'elles ont vendu le domaine en 1920 (voir 19e siècle et Une grande dame).
C'est peu après que sera décidée la séparation de l'Eglise et de l'Etat avec les inventaires des biens religieux. Dans certaines régions, cette laïcisation a donné lieu à des émeutes. Les DM ne signalent rien de tel à Biviers.

Le tram
En 1904, le tram atteint Montbonnot. Il a fallu pour cela ouvrir une nouvelle route nationale entre Grenoble et Montbonnot (celle qui passe par les Eyguinards), l'ancienne (celle de Montfleury) accusant des pentes trop fortes pour le tram. La commune a versé une subvention de 7000 F à la compagnie. Le conseil déplore que le coût du voyage pour Grenoble coûte 0,4 F alors qu'il était de 0,3 F avec les anciennes voitures publiques que le tram a remplacées. Plus tard, le tram ira jusqu'à Chapareillan. Déficitaire dès 1936, il sera fermé progressivement sur une partie du parcours, mais se maintiendra péniblement à Montbonnot jusque vers 1947.

Le téléphone
A partir de 1901, quelques postes (semi-publics) sont installés chez des particuliers. Leurs possesseurs doivent accepter de porter les dépêches (télégrammes) chez leurs concitoyens et reçoivent une indemnité pour ce service (0,25 F par appel ou bien une somme fixe par an). Une véritable cabine publique ne sera installée qu'en 1921, avec un gérant (DM 13 nov).
Puisqu'on parle de télécommunications, à la fin du 19e siècle, les facteurs ne chômaient pas ! Ils effectuaient tous les jours deux tournées. Le 20 septembre 1884, il avait fallu se résoudre à supprimer l'une des tournées du dimanche. Le conseil avait opté avec sagesse pour la suppression de celle du matin.

La guerre de 1914
Aucune mention dans les DM, sauf en 18, où l'on parle de misère due à l'état de guerre. Le monument aux morts de Biviers affiche les noms de 27 soldats morts ou disparus en 14-18. Les registres d'état-civil donneraient des détails sur les circonstances de la mort de ces soldats, mais ils ne sont pas (encore) accessibles. Le monument aux morts n'a été érigé qu'en 1945 (inauguration le 4 novembre).
En 1920, les communes de la région sont sollicitées pour adopter des communes nouvellement libérées du département des Ardennes, région de Mézières (là où Bayard s'était illustré en 1521). Biviers se joint au mouvement.

Une grande dame : Mlle Merceron-Vicat
Née en 1885 dans une famille aisée, celle des Vicat (l'un des fils, Louis, a fondé la société des ciments Vicat avec notre maire Alphonse Rallet), Solange Merceron-Vicat milite très jeune dans le syndicalisme chrétien. En 1920, elle achète la propriété des Dominicaines de Biviers et la transforme en un établissement de soins (on dirait maintenant paramédical) pour jeunes filles et jeunes femmes fatiguées. Elle dirige elle-même jusqu'à sa mort cette maison, le Repos de l'Ouvrière, avec l'assistance des religieuses de la Providence de Corenc. Vers 1925, elle fait construire le bâtiment sud-est et la propriété passe ainsi de 18 à 72 ouvertures. En 1945, l'établissement obtient le statut de préventorium (on se rappellera que la tuberculose était alors une des premières causes de mortalité chez les jeunes ouvrières). Cette dame fondera également en 1923 une école d'assistantes sociales et, plus tard, participera à la création de la Pouponnière de Meylan. En outre, pendant la guerre de 40, elle cache, oriente et protège un grand nombre de juifs. Elle sera décorée de la Légion d'Honneur. Morte en 1956, elle est enterrée dans notre cimetière. Adossée à l'église, dans le soleil levant, sa tombe très modeste est bien plus qu'émouvante.

Entre les deux guerres
Pas de fait marquant dans les DM. Mais on peut résumer les préoccupations majeures des municipalités d'alors. Ces soucis étaient d'ailleurs à peu près les mêmes au 19e siècle.

L'électrification des campagnes
A partir de 1920, semble-t-il, on étend le réseau électrique aux hameaux (société Fure et Morges). A la mairie, on installe des commutateurs pour allumer deux lampes, mais pas simultanément, avec un seul abonnement. On paye en effet l'abonnement à la lampe, il n'y a pas de compteur. Bientôt, il faut protéger par des paniers (sic) les lampes des bords de route, brisées très souvent par des gens mal intentionnés (26 nov 1922). En 1923, on parle même de force motrice (27 mai).

Lutte contre les moustiques
Le service d'hygiène de l'Isère lance une campagne pour éliminer les moustiques (DM 27 mai 1923) et demande le pétrolage des bassins et des mares. Le Conseil de Biviers refuse : les finances communales ne permettent pas de payer des équipes de pétrolage. De plus, comment auraient bu les animaux ?

Le captage de la Duy
En 1929, on décide de trouver enfin une solution au problème de l'alimentation en eau. Le nouveau maire est Henri Merceron-Vicat, industriel (Silvy, élu au premier tour, a refusé la charge). On parle de pomper la nappe phréatique de l'Isère à Montbonnot et de l'amener dans un réservoir de 200 m3 au Châtelard. Les anciens ne semblent pas d'accord et assurent qu'il y a de l'eau au pied du Saint-Eynard. Finalement, le maire accepte de faire aussi des recherches dans cette zone, bien qu'il les juge hasardeuses.
En mai 1930, le projet de pompage près de l'Isère est abandonné : on ne peut décidément pas s'entendre avec Montbonnot. Les recherches au Châtelard reprennent de plus belle. Il nous faut 200l/min, écrit le maire.
En août 1932, deux ingénieurs de Grenoble présente leur projet : capter la source de la Duy à Belledonne (commune de Revel, altitude 940 m, débit 200l/s, haute pureté). Pour une fois, le conseil municipal est unanime.
En août 1933, un syndicat des Eaux de la Duy est constitué entre cinq communes (Corenc, Meylan, Biviers, Montbonnot-Saint-Martin et Saint-Ismier). Biviers aura droit à 12% de l'eau amenée par une conduite de diamètre 25 cm. La guerre retardera les travaux et le réseau ne sera terminé que vers 1950, date à laquelle la population de Biviers se mettra fortement à augmenter. Les grands réservoirs ou réservoirs de Meylan ont été construits en 1974 à 640 m d'altitude, en un endroit jugé maintenant audacieux. Soumis aux chutes de rochers, ils sont placés sous haute surveillance.

La guerre de 1940
Les délibérations municipales (DM) sont plus loquaces qu'en 1914. En 1939, on y parle de mobilisation en raison du départ du secrétaire de mairie et d'organisation par la municipalité de comités d'entraide pour les familles de mobilisés. Et puis, on lit, le 1er août 1940, des lignes qui exprimaient probablement l'opinion d'une bonne partie des Français : la municipalité se range clairement derrière le maréchal Pétain ...

Les années suivantes, les DM parlent du rationnement, des difficultés rencontrées pour chauffer les écoles (il n'y a plus de charbon), de l'augmentation du coût de la vie : le traitement de employés municipaux sera multiplié par deux ; on apprend que leur charge de travail s'est beaucoup accrue, à cause d'une population flottante dont le nombre atteint le chiffre de la population municipale... (4 juil 42). Il s'agit sans doute des réfugiés déclarés. Or, il y avait aussi les clandestins.

Plusieurs témoignages oraux ont été recueillis sur cette époque. Certains, difficiles à vérifier, font état des agissements de la Milice à Meylan. Tous citent la présence de maquis sur l'adret, spécialement près de la Tour d'Arces (à cause des liaisons avec la Chartreuse sans doute). Il étaient chargés de détruire des moyens de communications stratégiques (le rail surtout), de pratiquer des sabotages et de harceler les troupes ennemies pour abaisser leur moral. Plusieurs résistants seront arrêtés et exécutés sans jugement à Meylan et Saint-Ismier (dont le Doyen Gosse et son fils sur la Nationale au bord du Manival). Le 17 juin 44, trois maquisards de Biviers en mission sont interceptés par les Allemands sur la RN90 à la Détourbe et fusillés sur place. L'un d'eux s'en est sorti, malgré ses graves blessures (André Valat) ; les deux autres s'appelaient Jean Noguès et Georges Chappuy. Cinq autres biviérois, tous officiers dans l'armée régulière, sont morts au combat à la fin de la guerre : le capitaine Dubarle, les lieutenants Pichot-Duclos, Jordan, Silvy et de Marliave. Un autre Silvy, Jean, également lieutenant, perd une jambe au débarquement de Normandie, mais survit à sa blesure ; il a été nommé compagnon de la Libération par le général de Gaulle.

Malgré ces deuils, les vieux biviérois estiment que le village a eu beaucoup de chance. En effet, les Allemands n'ont jamais mis la main à Biviers sur l'une des nombreuses caches d'armes, ni sur l'un des maquisards, fils du pays ou non, qui venaient se reposer dans les fermes. En particulier, un véritable arsenal était dissimulé à La Grivelière. Un jour, un ratissage en règle a été entrepris par les Allemands, mais il est interrompu on ne sait pas pourquoi. Quelques jours avant la libération, les résistants font sauter le pont de Corbonne sur la RN90 ; les Allemands empruntent alors la route Meylan-St-Ismier par Biviers ; les maquisards les attaquent à St-Ismier et des balles perdues arrivent jusqu'à Biviers. A la libération, un duel d'artillerie oppose occupants (en rive gauche de l'Isère) et Américains (en rive droite) ; des obus tombent dans le parc de Serviantin et leurs éclats endommagent sa façade.

Pendant cette guerre, au péril de leur vie, plusieurs familles de Biviers ont caché des anglais et des juifs, dont le cinéaste Claude Berri (réfugié chez les Carosso, en haut des Arriots) ; il s'inspirera de sa propre histoire pour tourner en 1967 le film le Vieil homme et l'enfant chemin de la Buisse (l'acteur Michel Simon y joue le rôle du grand-père). N'oublions pas non plus l'attitude de Solange Merceron-Vicat (cf. Une grande dame). Le Dauphiné, dans son ensemble, a caché beaucoup de réfugiés. Dans le département de l'Isère, on en a dénombré 21 000.

L'après-guerre.
Il ne semble pas qu'il y ait eu épuration à Biviers, mais seulement valse des maires. Le 22 août 1944, des conseillers désignés par le nouveau préfet Reynier élisent comme maire le général Pichot-Duclos ; le 18 mai 1945, c'est Léon Collombe qui est élu maire et, le 26 octobre 1947, c'est à nouveau Pichot-Duclos. La population est-elle versatile ? Influence des femmes qui viennent d'obtenir le droit de vote ? Ou plutôt mécontentement d'une population qui souffre des restrictions et ne comprend pas les raisons de la pénurie, l'augmentation continue du coût de la vie (nouveau doublement), l'accroissement des impôts locaux, du prix de l'eau, des concessions au cimetière... (DM, 1 sep 45, 17 déc 46, 8 août 47...).

En plus des difficultés issues de la guerre, la municipalité, déjà lourdement endettée, est confrontée au vol des tuiles qu'elle vient d'acheter pour réparer le toit de l'église. Le syndicat de la Duy est attaqué par un consortium d'industriels papetiers qui exigent des indemnités au sujet du captage. Le syndicat devra opérer de nouveaux captages en barrant le Domeynon et le lac Merlat (11 jan 1948).

Quelles sont les principales préoccupations des Biviérois à cette époque, si l'on en croit les DM ?

Les trente glorieuses
Pendant les années 50-80, la France a connu un développement exceptionnel. Biviers aussi... Sa population a plus que quadruplé. La phase d'industrialisation (fin de 19e, début du 20e siècle) a entraîné la désertification des campagnes. L'après-guerre voit les citadins revenir aux sources en cherchant à résider dans des villages proches de la cité. Peut-être parce que ces fils de paysans n'ont pas réussi à s'adapter à la ville... On assistera à la disparition progressive du domaine agricole de Biviers au profit du mitage des villas. A la fin du siècle, il ne subsiste qu'une seule expoitation agricole. Située à Plate-Rousset, elle est surtout tournée vers l'élevage, à cause de la nature ingrate du sol, mais elle tient bien son rang : ses animaux ont remporté de nombreux prix dans les concours agricoles, comme en témoigne les plaques fièrement clouées sur leur étable.

Cette ferme est alors celle du maire Louis Charpentier qui battra tous les records de longévité avec 5 mandats successifs (1959-1989). Son élection en 1959 entraînera quelques remous ; l'ancien maire, l'ancien adjoint et trois autres anciens conseillers réélus démissionnent à grand fracas en dénonçant publiquement l'attitude d'un collègue. On devine vite de qui il s'agit. La cause de ce remue-ménage ? Ce conseiller a osé créer une deuxième liste de candidats aux dernières élections ! Pensez donc ! Jusqu'ici, cela ne se faisait pas à Biviers (sauf à la fin de la guerre) ; le pouvoir se transmettait par cooptation et les électeurs n'avaient pas le choix. Sous le 3e mandat Charpentier, la mairie quittera la maison Berlioz pour son emplacement actuel, la maison Sisteron-Michal, beaucoup plus vaste.

Un autre record à signaler. En 1950, l'abbé Clavel est nommé curé de Biviers (DM 15 oct). En l'an 2000, il est toujours fidèle au poste. Sa mémoire est, elle aussi, fidèle : elle a beaucoup contribué à documenter la rédaction de ces pages.

Saint-Hugues
Que devient le domaine Billeret, ce fleuron de notre patrimoine ? Après la mort de
Solange Merceron-Vicat (1956), son frère Henri a pris la direction du Repos de l'Ouvrière. C'est un vieux Biviérois. Il a été maire de 1929 à 1945. Il semble cependant que la maison périclite. Et pour causes ! Tout d'abord, la suppression de l'impôt sur les portes et les fenêtres n'a pas peu contribué à assainir les habitations ; de plus, Fleming a découvert la pénicilline en 1928 ; elle sera produite à grande échelle à partir de la guerre. Avec cet antibiotique – le premier – la tuberculose régresse très vite. Les sanas et les prévents ne vont pas tarder à fermer leurs portes.

Racheté en 1962 par les Jésuites de Saint-Egrève, le Repos, devenu Saint-Hugues, est confié depuis 1994 à la communauté laïque Vie chrétienne de spiritualité ignatienne qui organise là toute l'année des retraites religieuses. La maison assure le gîte et le couvert aux participants (jusqu'à 100 personnes). Un grand réfectoire a été aménagé à cette époque à la place de l'ancienne chapelle et une chapelle nouvelle construite plus loin, adossée à une salle de conférences. Cette salle (et éventuellement le réfectoire) accueille également des groupes profanes pour des réunions, séminaires, ... comme la Société Française de Physique, chaque année en septembre (séminaires Daniel Dautreppe). Ce qui vaut à Saint-Hugues de Biviers d'être cité de nombreuses fois sur Internet à titre scientifique.

Fin du millénaire
En l'an 2000, on téléphone en se baladant, la communication est reine. L'histoire de Biviers condensée devient disponible sur Internet afin que nul n'en ignore. Les générations futures pourront la lire ; peut-être se demanderont-elles quelles étaient nos préoccupations à l'aube du 21e siècle. Nous proposons de leur laisser ici un témoignage composé grâce aux contributions des Biviérois.

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